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"Un fracas épouvantable"

(© P. AMELINE Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur)

 

Le Conseil des Sages de La Chevrolière a fait paraître en 2012 une excellente étude sur la ligne de chemin de fer, à voie étroite et unique, qui reliait jadis Nantes à La Chevrolière et à Legé (ici, ici et ). Il y faisait aussi allusion à l'accident qui l'endeuilla une semaine seulement après sa mise en service, en citant l'article de L'Union Bretonne qui le relatait. Ce fait-divers, dans lequel plusieurs Chevrolins furent malheureusement impliqués, eut assez de retentissement pour qu'un journal national, Le Petit Parisien, daté du 5 septembre 1893, s'en fasse l'écho.

 

Un choc frontal entre « le train montant » de Legé et « le train descendant » de Nantes se produisit « à 6 heures du soir » dans une courbe située près du village de La Bauche-Tue-Loup sur la commune des Sorinières. Pour le correspondant du Petit Parisien, la cause de ce « grave accident » ne faisait aucun doute : il était dû à l'absence de la « ligne télégraphique et téléphonique » qui n'avait pas encore été installée, « de sorte qu'on ne [pouvait] se prévenir d'une station à l'autre si la voie [était] libre ». En effet, sur cette ligne à voie unique, les rares évitements ne se trouvaient qu'au niveau des gares.

 

 

Le journaliste de L'Union Bretonne, quant à lui, fournissait sur les causes de l'accident des informations beaucoup plus précises, étayées, semble-t-il, par des témoignages directs : « Le train qui part de Nantes vers 5 heures arrive à la gare des Sorinières à 5h42 ; il doit attendre le train venant de Legé qui arrive à 5h43. Il paraîtrait que le mécanicien du train de Nantes avait reçu l'ordre de continuer sa route […] Le chef de l'exploitation, homme d'une grande expérience, revendique pour lui seul la responsabilité de l'accident, ayant donné un ordre trop scrupuleusement obéi. Il faut toutefois tenir compte du surmenage des employés, l'importance du service ayant dépassé toutes les prévisions. Enfin, un retard de 15 minutes dans la marche d'un train a compliqué la situation, et c'est là la cause principale de la rencontre des locomotives »...

 

Nul doute que plusieurs Chevrolins figuraient au nombre des voyageurs de ces deux trains. En cette fin de journée, la plupart devaient rentrer à La Chevrolière. Dans l'amas de tôles broyées des deux trains enchevêtrés, hormis de nombreux blessés légers, qui, « pris de panique, se sont enfuis à travers champs », on releva huit personnes plus sérieusement atteintes, dont deux habitants de La Chevrolière.

 

Le plus gravement blessé, fémur gauche brisé et côte enfoncée, mourut trois heures plus tard malgré les soins prodigués par le docteur Deausse, maire de Pont-Saint-Martin, et par le docteur Lihoreau de Pont Rousseau accourus sur place. La victime, Jean-Louis Auffret, 40 ans, célibataire, terrassier, originaire de Moustoir-Remungol près de Pontivy, résidait depuis peu à La Chevrolière.

 

La seconde, « assez fortement contusionnée », habitait à Fablou où elle vivait de ses modestes rentes. Il s'agissait de Marie-Victoire Lhomelet, une célibataire de 69 ans dont la sœur, de deux ans sa cadette et également célibataire, était encore domestique dans quelque maison bourgeoise de Nantes ou de ses alentours. Marie-Victoire venait-elle de lui rendre visite ? Ou était-elle « montée en ville » pour une autre raison ? Si cet accident lui occasionna sans doute la frayeur de sa vie, il ne l'empêcha pas de vivre encore de longues années. Elle ne s'éteindra qu'en 1911, à l'âge de 87 ans.

 

Cependant, l'histoire ne dit pas si, après cette terrifiante mésaventure, on la vit souvent remonter dans un train à « l'arrêt facultatif des Coûtumes »....

 

Mis en ligne le 1er décembre 2018

 

 

(© P. AMELINE Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur)

 

 

 

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