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"Les Gardiennes"

Quelques années après la Grande Guerre parut un roman d'Ernest Pérochon intitulé Les Gardiennes. Il y décrivait la vie difficile et laborieuse de paysannes du Marais poitevin qui, comme dans toutes les campagnes de France, ont dû, quatre années durant, tout en continuant à assumer leurs propres tâches, remplacer leurs maris et leurs fils partis à la guerre. Gardiennes de leurs foyers, des terres et des troupeaux, leur mobilisation fut décisive sur le « front de l'Arrière ».

A La Chevrolière, ces « gardiennes » n'ont pas manqué ; rappelons-nous ce qu'écrivait à leur sujet Emile Gabory, en 1925, dans son ouvrage Un département breton pendant la guerre 1914-1918 : « Il ne resta que 99 hectares en friches, et cela, grâce au courage des habitants de la commune. Les femmes des mobilisés travaillèrent avec une énergie digne d'éloges. Trois d'entre elles se virent décerner un diplôme d'honneur par la société d'agriculture de la Loire-Inférieure : Mmes Similienne Freuchet, du Plessis, Marie Freuchet, de l'Aubrais, Anne Marie Barillère, de la Bourionnerie.1 »

Non loin d'elles, à la Girouardière, une autre « héroïne du quotidien », Angèle Clouet, ne ménagea pas sa peine et aurait sans doute aussi mérité ce diplôme qu'elle ne reçut jamais... Un bref article de l’Ouest-Éclair, daté du 23 juillet 1916, relate la tragédie, somme toute banale, qui lui coûta la vie : « Accident grave – Madame Joseph Clouet, née Biton, fermière à la Girouardière, vient d'être victime d'un terrible accident. Dimanche 16 juillet, elle soignait les animaux à l'étable, quand la fourche dont elle se servait pour arranger la litière, piqua un bœuf à la patte. La bête, d'une ruade violente, fit pénétrer profondément le manche de la fourche dans le ventre de la pauvre femme, lui occasionnant une blessure horrible. Le médecin, M. Mainguy, mandé en toute hâte, ordonna le transport de la victime à l'Hôtel-Dieu, à Nantes, où elle a été opérée mardi matin. Son état est très grave. M. Clouet, son mari, est mobilisé comme G.V.C. et deux de ses fils sont au front 2. »

En fait, quand paraît cet article, Angèle Clouet est déjà décédée depuis plusieurs jours. Elle s'est éteinte au lendemain de son opération, à l'âge de 45 ans, laissant seules à la ferme Marie et Angélina, ses deux filles de 13 et 6 ans 3...

Mis en ligne le 21 septembre 2021

 

 

Notes :

1 – Voir Georges, le jardinier (au bas de la page Sain et sauf !)

2 – Joseph Clouet, alors âgé de 46 ans, a été mobilisé et envoyé comme Garde des Voies de Communication dans la région de Rouen l'année précédente. Peut-être en raison de la mort de son épouse et du jeune âge de ses filles encore à charge, il est « détaché à l'établissement Saint Gobain de Chantenay » à la fin octobre 1916 puis « détaché agricole » à la Girouardière à partir de mars 1917.

Lorsque Angèle meurt, son fils aîné, Joseph, caporal au 411ème Régiment d'Infanterie, combat à Verdun. Constant, le cadet, n'a que 19 ans et fait alors ses classes à Ancenis, au 64ème R.I. Il montera lui aussi à Verdun quelques mois plus tard.

3 – Les filles Clouet, tout comme leurs deux frères, se marieront à La Chevrolière au cours des années 1920.

 

Source : article du quotidien l'Ouest-Eclair, édition du dimanche 23 juillet 1916, page 4.

 

 

 

 

 

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