Les Freuchet du Plessis

 

(© P. AMELINE Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur)

 

 

 

Tous les généalogistes vous le diront : « Freuchet » est un patronyme très fréquent à La Chevrolière. Dès le XVIIème siècle en effet, on trouve différentes branches de cette famille aux quatre coins de la paroisse, en premier lieu dans les cantons de La Freudière et de L'Isle. C'est précisément dans cette dernière « frairie », qui rassemble tous les hameaux un peu éloignés du bourg, un peu « ISoLés », au sud du territoire chevrolin, que s'est formée, dans les années 1840, la branche qui nous intéresse.

 

Les Freuchet apparaissent en effet au Plessis à la suite du mariage de Jacques Freuchet, natif des Hautes-Huguetières, avec Anne Clouet, fille de l'un des deux métayers de l'endroit. A la génération suivante, en 1867 exactement, leur fille, Jeanne Éléonore, épouse l'un de ses cousins germains, Jean-Baptiste Freuchet, qui quitte alors La Girouardière toute proche pour s'installer chez ses beaux-parents. Cette présence des Freuchet au Plessis est encore renforcée, quelques années plus tard, quand François Freuchet, frère de Jeanne Éléonore, s'installe sur place avec femme et enfants.

 

Cette grande famille d'agriculteurs va exploiter les terres du Plessis, appartenant aux Pépin de Bellisle, jusque dans les années 1930. Après la mort du « patriarche », Jacques Freuchet, en 1899, c'est à son gendre et neveu, Jean-Baptiste, qu'échoit la responsabilité de la métairie. Il a alors 55 ans et les 14 enfants que Jeanne Éléonore lui a donnés, entre 1868 et 1885, sont tous nés au Plessis. Au tournant du nouveau siècle, seuls trois de ces enfants vivent encore sous le toit familial. Certains sont morts en bas âge ou prématurément, plusieurs sont partis au moment de leur mariage vers d'autres fermes des environs, quelques-uns, enfin, ont cherché fortune un peu plus loin. C'est notamment le cas de Georges et d' Emile qui comptent parmi les plus jeunes de cette grande fratrie et qui partageront bientôt un projet commun.

 

Georges Freuchet est né le 13 juin 1880, juste un mois après Antoine1, son cousin et voisin, dont il sera très proche tout au long de l'enfance. Toutefois, après avoir fréquenté l'école de La Chevrolière et aidé aux travaux de la ferme paternelle, Georges quitte le Plessis vers l'âge de 13 ou 14 ans pour s'initier au maraîchage et apprendre le métier de jardinier auprès de François Huchet qui s'est établi quelques années plus tôt au hameau du Parc, à quelques centaines de mètres des remparts de Guérande.

 

Cet étonnant dépaysement n'est cependant pas le fruit du hasard. En effet, François Huchet avait été engagé par le comte de Bellisle à l'époque de la construction du château des Huguetières ; le jardinier avait vécu dans le village du même nom, avec femme et enfants, pendant une douzaine d'années. Sans doute avait-il alors noué des relations, professionnelles ou amicales, avec le père ou l'un des oncles de Georges. Toujours est-il qu'il faut chercher là les raisons de ce lointain placement.

 

A 21 ans, notre jeune jardinier quitte Guérande pour accomplir son service militaire à Angers, au 135ème régiment d'infanterie de ligne. C'est vraisemblablement à cette époque qu' Emile Freuchet, qui a cinq ans de moins que son frère, quitte La Chevrolière pour le remplacer et apprendre, à son tour, « l'horticulture maraîchère » auprès de François Huchet. Trois ans plus tard, fin 1904, Georges, qui vient de « finir son temps », trouve une place à Morannes, un village situé à une trentaine de kilomètres au nord d'Angers. Mais l'expérience est de courte durée et il revient à La Chevrolière dès juin 1906.

 

Georges Freuchet, qui a maintenant 26 ans, trouve du travail au château de Monceau situé à deux kilomètres seulement de sa métairie natale. C'est là qu'il rencontre sa future épouse, Constance Janeau. Elle a quatre ans de moins que lui et travaille également, comme toute sa famille, pour le comte Octave d' Estrée. Toutefois, après deux ans et demi de bons et loyaux services, Georges quitte à nouveau le pays de Grand-Lieu. On le retrouve, en février 1909, au château de La Touche, en Nozay ! Ce nouvel éloignement, dont on ne connaît pas les raisons, ne l'empêche cependant pas de revenir épouser Constance, à Saint Philbert, le 7 juin 1910.

 

Après la noce, le jeune couple s'établit donc à Nozay. Leur première fille, Georgette, y voit le jour le 30 mai 1911. Mais cette naissance n'est pas du goût du châtelain de La Touche, Henri de Maquillé, employeur de Georges et ancien maire de Nozay : prétendant que la présence d'un nouveau né au foyer de son employé allait le rendre moins productif, il exige que l'enfant soit mis en nourrice en dehors de chez lui ! Malgré sa colère et sa tristesse, Georges doit se résoudre alors à se séparer de sa fille qui sera élevée par ses tantes maternelles, à Saint Philbert, pendant plus d'un an...

 

On comprend bien, dès lors, que Georges n'aura de cesse de trouver une place plus accueillante. Il la trouve à l'automne 1912 au château de La Bessardais, en Bouée. Grâce aux relations familiales de son épouse, il apprend en effet que François Guibert, qui y est jardinier depuis plus de trois ans, a l'intention de revenir à Saint Philbert dont il est originaire et où une place l'attend, au Maupas. Les recommandations vont bon train et l'affaire se fait facilement. Le nouveau « maître » de Georges, Henri Paumier, n'a rien d'un tyran. A l'inverse, ce vieux célibataire, catholique engagé,

 

 

invite ses employés et leurs enfants à sa table les dimanches où il est présent au château. En novembre 1913, Constance donnera naissance à une deuxième fille, Yvonne, dont il ne sera pas question, cette fois, de se séparer...

 

De temps à autre, en diverses circonstances, Georges revient brièvement à La Chevrolière. Comme nous le montre la photo ci-dessous, c'est le cas le 26 janvier 1914 à l'occasion du mariage de Léontine Freuchet, l'une de ses cinq sœurs encore vivantes, avec Victor Fébreau, de La Brosse en Saint Colomban. Georges et Emile en ont-ils profité, ce jour-là, pour reparler de leur projet d'association et d'installation comme maraîchers ? Où en sont-ils, alors, de leurs réflexions et de leurs démarches ? S'installeraient-ils à La Chevrolière ou ailleurs ?

 

 

Cependant, quelques mois plus tard, pour les deux frères jardiniers comme pour les autres Freuchet du Plessis, le temps ne sera plus à la noce ni aux projets d'avenir...

 

                                                                                                                                                                                        

 

Mis en ligne le 19 janvier 2019

 

 

Note :

1 - Antoine Freuchet restera au Plessis où il aura bientôt femme et enfants. Réformé dès septembre 1914 pour "lésions organiques", il meurt prématurément le 2 juin 1916.

 

Sources :

Mémoire familiale et archives privées de Madame Élisabeth Ouairy-Bliguet, arrière-petite-fille de Georges Freuchet.

Etat-civil, recensements nominatifs, fiches-matricules (Archives Départementales de Loire-Atlantique).

 

 

 

(© P. AMELINE Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur)

 

 

 

 

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