Le crime de la Noël 1834 (2)
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L'autopsie et le début de l'enquête
Peu après arrive la mère de la victime, qui, dira-t-elle plus tard, « eut le pressentiment de ce qui était arrivé » ; elle est accompagnée de Joseph et de sa femme ; ce dernier regrette amèrement de n'avoir pas attendu son frère pour rentrer de Nantes... On les entoure puis on décide de veiller sur place la dépouille de Jacques en attendant l'arrivée des gendarmes. Pendant qu'on alimente le feu et que parents, amis et voisins, accourus de toute part, organisent la veille, Jean Barillère, de la Freudière, et Louis Doré, de la Davière, prennent, dans la nuit, le chemin du bourg de La Chevrolière afin de prévenir le maire.
Il est dix heures du soir quand ils arrivent chez lui. Ils frappent à sa porte, le réveillent et l'informent. Étant donné l'heure tardive, Jean Béranger leur indique qu'il n'ira à Saint Philbert que le lendemain pour prévenir les autorités et demande aux messagers, comme l'initiative en avait déjà été prise, de veiller le cadavre du volailler sur le lieu du crime.
Dans la matinée du dimanche 28, Jean Béranger selle son cheval et va à Saint Philbert prévenir le juge de paix du canton, Félix Jamont 1, de ce qui s'est passé la veille. Aussitôt, ce dernier fait chercher son jeune commis-greffier, Napoléon Chiron-Casinière, l'unique médecin de Saint Philbert, le docteur Pierre Lemarchand et prend avec lui une escorte de deux gendarmes. Les six hommes se transportent alors sur les lieux où ils arrivent vers « l'heure de midi ».
Le médecin, une fois les premières constatations effectuées, juge impossible d'autopsier sur le bord de la route et demande à ce qu'on transporte le corps dans un endroit plus approprié. On fait alors appel à Julien Visonneau 2, de la Guillauderie toute proche, qui avait été parmi les premiers à tenter de porter secours à Jacques Mainguet et qui l'avait veillé jusqu'à trois heures du matin. Le jeune cultivateur attelle aussitôt les bœufs à sa charrette et retourne sur place. On installe le corps sur un « lit de paille » et on le conduit ainsi au relais de poste de Tournebride 3 que le maire réquisitionne.
Pour l'essentiel, l'autopsie conduite par le docteur Lemarchand révèle deux coups particulièrement violents, le premier au niveau de la mâchoire inférieure et le second porté entre les sixième et septième côtes, perforant le poumon, le diaphragme et pénétrant même le foie « à la profondeur d'un pouce »... Ce second coup, fatal, a traversé les vêtements dont le médecin fait la liste : « il était vêtu d'une blouse bleue, couverte de sang, on y voyait, à l'endroit correspondant au côté droit de la poitrine, une ouverture paraissant avoir été faite avec un instrument piquant et tranchant. Une veste, un gilet, une chemise et un gilet de flanelle sur la peau présentaient des ouvertures semblables et en rapport avec celle de la blouse ».
L'autopsie terminée et le juge Jamont ayant, pendant ce temps, fait consigner les dépositions des témoins encore sur place, on rend le corps à la famille. La dépouille de Jacques Mainguet est ramenée au Râteau au cours de l'après-midi de ce triste dimanche. Le 29 ou le 30 décembre, le recteur Leray 4 conduira ses obsèques à l'issue desquelles le volailler assassiné sera inhumé dans le petit cimetière de La Chevrolière, alors attenant à l'église.
Sans révélations de la victime sur l'identité ou l'apparence des assassins, sans indice matériel ni témoignage direct, l'enquête s'annonce très difficile. Les gendarmes de Saint Philbert en sont chargés sous l'autorité du juge Jamont. Celui-ci choisit une méthode patiente, mais éprouvée, qu'on surnomme parfois « la pêche à la ligne » : « Ne pouvant obtenir assez d'indices pour découvrir les auteurs du meurtre, M. Jamont recommanda aux intéressés, et en général à tous ceux qui lui en parlaient, le plus profond silence. Il espérait que quelque jour des révélations auraient lieu au cabaret. Cependant [près d'] un an s'écoula sans que rien [ne] fut appris 5 »...
Mis en ligne le 13 janvier 2023
A SUIVRE
NOTES :
1 – Le mois précédent, Félix Jamont (1800-1885) venait d'abandonner ses fonctions de maire de Saint Philbert, fonctions qu'il occupait depuis 1832, pour se consacrer à celles de conseiller général auxquelles il avait été élu en 1833 et qu'il occupera jusqu'en 1842 (voir, par exemple, l'article intitulé La guerre aux jachères, publié sur ce site).
2 – Julien Visonneau est né à la Guillauderie en 1815. Il n'a alors que 19 ans et vit avec sa mère, veuve depuis dix ans, et son frère Pierre. Il quittera son village natal pour épouser Jeanne Giraudineau, à la Davière, en 1839. De leur union naîtront sept enfants. Julien, cultivateur sa vie durant, y meurt en 1878.
3 – Le relais de poste de Tournebride n'est distant que d'un kilomètre et demi du lieu du crime.
4 – Jacques Leray (1789-1854) est curé de La Chevrolière de 1827 à 1842 ; il se fera ensuite moine chez les cisterciens, à Melleray puis à Fontgombault. A l'époque qui nous intéresse, il est assisté par un vicaire, Augustin Durand.
5 – Extrait d'un article du journal nantais Le Breton, édition du 16 juin 1836.