Papier timbré
(© P. AMELINE Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur)
C'est en partie à cause des difficultés qu'il rencontre pendant la guerre de Hollande (1672-1678) que Louis XIV, reprenant un édit inappliqué de Mazarin, décide de créer de nouvelles taxes concernant le commerce du tabac, la vaisselle en étain et le papier timbré désormais obligatoire pour tout acte authentique, notarié ou paroissial. Dans plusieurs provinces du royaume, ces nouveaux impôts indirects sont mal acceptés et provoquent même des « émotions populaires » violentes. C'est en particulier le cas en Bretagne, où les bureaux du papier timbré sont plusieurs fois pillés à Nantes et à Rennes au cours du printemps 1675. Ces premières émeutes, urbaines, ne font que préfigurer la fameuse révolte des Bonnets Rouges dont la répression ensanglantera les campagnes de Basse-Bretagne au cours de l'été suivant.
Ici, en Bretagne, pays d'États, les timbres successifs qui sont utilisés entre 1674 et 1791 évoquent, dans leur graphisme, à la fois le pouvoir monarchique et l'identité bretonne ; ils portent tous, en outre, une valeur faciale qui varie en fonction des dimensions de la feuille et de la qualité du papier (« petit papier », « moyen papier »...). Les registres paroissiaux de La Chevrolière, où sont conservés les actes authentiques des baptêmes, des mariages et des sépultures, sont tous revêtus de ces timbres fiscaux dont le recteur devait s'acquitter, aux frais de la fabrique, chaque automne, à la Recette du papier timbré de Nantes. Quiconque feuillette ces registres, pour effectuer une recherche généalogique ou historique, les rencontre à chaque page, frappés en haut, à gauche ou au milieu.
A partir de la Révolution et de la loi du 11 février 1791, ces timbres, qui variaient en fonction des provinces et des généralités, disparaissent pour laisser la place à un timbre unique qui continuera à évoluer au gré des régimes politiques successifs. Il ne disparaîtra, sous cette forme classique, qu'en 1986.
Si l'on considère les registres paroissiaux de La Chevrolière sur une soixantaine d'années, entre 1674 et 1736 par exemple, on dénombre seize timbres différents, certaines années étant lacunaires, dont la valeur faciale a très peu varié, oscillant entre un et deux sols (12 à 24 deniers).
La composition graphique très variée de ces différents timbres dénote, quant à elle, une recherche et une créativité certaines. Un timbre pouvait n'être utilisé qu'une seule année tandis qu'un autre restait en vigueur pendant sept ou neuf ans !
La représentation symbolique du pouvoir royal y tient la première place. Toutes, sans exception, comportent bien sûr une ou plusieurs fleurs de lys associées, en fonction des années, à un ou plusieurs autres symboles : pour la moitié, la couronne royale contemporaine, et pour le timbre des années 1708/1711, l'antique couronne médiévale ; on trouve également, à trois reprises, le Soleil, dont une fois, étonnamment, après la mort de Louis XIV (timbre des années 1717/1726) ; le chiffre royal, aux deux L phytomorphes affrontés, y apparaît aux deux extrémités de la période (timbres de 1674 et de 1734/1736) ; le sceptre et la main de Justice, à deux reprises également ; plus rares, la balance de Justice et l'archange Saint Michel, protecteur du royaume, n'apparaissent qu'une fois.
Ces symboles monarchiques sont toujours associés, voire mêlés, à des éléments évoquant la Bretagne ducale, unie au Royaume de France en 1532. Tous les timbres comportent la mention du nom de la province, associée, dans 12 cas sur 16, à une ou plusieurs mouchetures d'hermine. On y trouvera aussi, à quatre reprises, la représentation, plus ou moins stylisée, d'une hermine passante (l'animal), souvent colletée d'une écharpe flottante herminée. Enfin, sur les timbres des années 1675 et 1681/1684, on reconnaîtra les lévriers, symboles de fidélité, qui traditionnellement servaient de supports et d'ornements extérieurs au grand blason des ducs de Bretagne.
En 1667, par l'ordonnance de Saint Germain-en-Laye, partie du Code Louis, le Roi-Soleil avait ordonné la tenue des registres paroissiaux en double exemplaire, le « premier », ou « minute », était conservé par le curé tandis que le second était déposé au greffe du juge royal de la sénéchaussée dont dépendait la paroisse (Nantes pour La Chevrolière). Cependant en avril 1736, Louis XV avait décidé de dispenser de timbre ce second exemplaire, encore appelé « dernier » ou « grosse », ce qui explique leur absence, après cette date, sur les registres des collections conservées par les Archives Départementales.
Mis en ligne le 16 avril 2020
(© P. AMELINE Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur)